Cela fait quatorze ans que les Portugais n’avaient pas pris part à un championnat d’Europe et le moins que l’on puisse dire, même si l’on sait mon attachement au handball tricolore, c’est qu’ils n’ont pas manqué leur rendez-vous, mettant la France en danger pour la suite de la compétition !

crédit photo : Stanko Gruden / kolektiff
Pour leur premier match, ils ont retrouvé à Trondheim, en Norvège, un adversaire qu’ils n’ont jamais autant rencontré qu’au cours de l’année écoulée. En effet, les Français avaient failli, contre toute attente, à Guimarães, contre leurs homologues du jour, au cours de la phase qualificative pour l’Euro 2020. Ils avaient pu se rattraper quelques jours plus tard, à Strasbourg, et remettre les pendules à l’heure. Néanmoins, cette défaite cuisante avait laissé quelques traces et sonné comme un électrochoc. Il avait été nécessaire de mettre les choses à plat, dans cette phase délicate de reconstruction du groupe tricolore.
Paulo PEREIRA (au centre de la photo), le sélectionneur portugais nous a réservé l’exclusivité. Avec une grande disponibilité, une grande gentillesse et surtout beaucoup d’humilité, il est revenu avec nous sur cette performance qui a sonné comme un coup de tonnerre sur ce début d’Euro, mais n’est finalement pas une surprise pour des observateurs avertis. Côté tricolore, on a comme une mauvaise impression que l’histoire se répète à un peu moins d’un an d’intervalle. Il ne faut pas se voiler la face : le capital confiance est entamé et la pression monte d’un cran, la participation pour les Jeux n’étant pas actée. On s’attend bien sûr à une réaction d’orgueil d’un groupe dont on connaît la qualité des jeunes joueurs comme des cadres expérimentés. L’effectif tricolore compte des individualités dotées d’un talent fou mais se cherche collectivement, et en particulier dans le secteur offensif. Pour leur deuxième match du tour préliminaire, les Bleus n’ont pas le choix : ils doivent battre la Norvège, sur ses terres, devant un public qui ne sera nullement acquis à sa cause. Ils ont les ressources pour le faire. Cependant, en cas d’échec, ils rentreraient prématurément à la maison, dans l’attente du TQO à 4 équipes, organisé à l’Accorhotels Arena de Paris, du 17 au 19 avril, pour espérer valider le dernier billet pour Tokyo, en cas de victoire.
Après un règne d’une longévité exceptionnelle et l’hégémonie des experts, auteurs de deux grands chelems (champion d’Europe, champion du Monde et Champion Olympique) dont on ne mesure pas, me semble-t-il, la portée dans notre sport et plus largement encore, tous sports confondus au niveau mondial, le handball français est confronté à la dure loi du sport et doit se renouveler. En effet, dans le même temps, des nations ont progressé et émergent, à l’image d’un Portugal conquérant, bousculant la hiérarchie établie et obligeant les autres nations à se remettre en question, à approfondir leur réflexion et à remettre le métier sur l’ouvrage, pour se maintenir au plus haut niveau sur l’échiquier international !
Comment avez-vous préparé cette échéance ?
Nous sommes ensemble depuis le 26 décembre. La préparation s’est déroulée jusqu’au 2 janvier 2020. Il y a eu 17 entraînements avec un repos d’un jour et demi pour les fêtes. Nous avons ensuite participé au 45ème Tournoi International d’Espagne, qui s’est tenu à Torrelavega les 3, 4 et 5 janvier 2020 et au cours duquel nous avons gagné deux matches, face à la Russie et face à la Pologne. Nous avons perdu de cinq buts face à l’Espagne. Le côté positif de ce dernier match est que la défaite nous a permis de peaufiner les derniers réglages avant de démarrer l’Euro.
Vous avez réalisé une magnifique performance en battant la France sur le match d’ouverture du groupe D. Que pensez-vous de la prestation de votre équipe ? Quelles ont été les clés de la réussite ?
Ce fut un match avec beaucoup d’intensité. Nous avons eu du mal à entrer dans la partie et nous avons mal joué durant les dix premières minutes. Nous avons ensuite procédé à quelques ajustements en défense et nous avons appliqué notre plan de jeu jusqu’au bout. Notre solide défense et l’aide de notre gardien de but ont fait la différence. Le match s’est également joué sur des petits détails, tant en attaque qu’en défense. Nous avions surpris les Français avec notre jeu en surnombre, sans gardien de but, au Portugal, en avril dernier. Je pense qu’ils ont peut-être été surpris que nous n’y ayons recouru que sur un temps limité d’une dizaine de minutes environ.

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Que pensez-vous du jeu proposé par les Français ?
Il est très dur de parler des autres équipes. Cela fait partie de la préparation des matches. Toutefois, ce que je peux dire, c’est que notre but était de ralentir au maximum la circulation de balle. Ils ont rencontré des difficultés quand nous avons joué plus haut. Quant à nous, nous nous concentrons davantage sur notre jeu et sur les détails qui nous permettent d’améliorer nos performances.
Comment avez-vous réagi à cette victoire ?
C’était de la folie. Je n’ai jamais reçu autant de messages, de sms. Pour les joueurs, c’est la même chose. Il y en a un engouement énorme. Le Président de la République m’a appelé pour nous féliciter. Il y a beaucoup d’expectatives dans notre pays. Les gens nous suivent. C’est l’euphorie mais nous gardons les pieds sur terre. On tient à rester dans la normalité. On joue la Bosnie en fin de journée et si nous ne gagnons pas ce match, notre victoire ne servira à rien. Il est vrai que nous avons réalisé une belle prestation mais nous devons faire comme d’habitude et continuer à travailler, à nous centrer sur nous pour espérer passer le tour préliminaire et avancer.
Comment abordez-vous le match contre la Bosnie ?
C’est une équipe de guerriers purs. Ils sont sérieux. Ils vont tout donner pour accéder au tour principal. Nous devrons être deux fois plus sérieux qu’eux, avoir la même registre mental et la même densité physique que contre la France.
Cela fait trois ans que vous êtes à la tête de la sélection. Quelle était votre feuille de route ?
Ma première tâche a été de convaincre les joueurs que nous pouvions gagner n’importe quelle équipe. Ensuite, nous avons travaillé avec les entraîneurs des grands clubs dans notre pays et à l’étranger. Nous avons d’excellentes relations avec le club de Montpellier qui a recruté Gilberto Duarte (NDLR : joueur emblématique de l’équipe qui s’est blessé avant l’Euro).

crédit photo : Axel Heimken / kolektiff
Le Portugal commence à s’affirmer sur la scène internationale chez les Séniors masculins et surtout avec les sélections de jeunes. Comment expliquez-vous ces excellents résultats ?
NDLR : Les U19M ont fini à la 4ème place lors des Mondiaux U21 qui se sont déroulés en Espagne, du 16 au 28 juillet 2019. Diogo SILVA, arrière droit, et Luis FRADE, pivot, ont été nominés à leur poste dans la All star team. Quant aux U19, ils ont perdu la finale des Mondiaux qui se sont déroulés en Slovénie, à Skopje, 27 à 35, contre le Danemark. Martim Costa a été nominé dans la All star team au poste d’arrière droit.
La relève arrive. Nous n’avons pas les mêmes moyens qu’en France où il y a de nombreux pôles pour former les jeunes mais nous avons mis en place trois centres d’entraînement dans le pays sur lesquels nous regroupons les joueurs de plus de quinze ans tous les quinze jours. Le travail est axé sur les contenus que nous jugeons importants de transmettre afin qu’il y ait une continuité et une cohérence dans le parcours de formation. Les entraîneurs des sélections A travaillent en lien avec les entraîneurs des sélections de jeunes, ainsi qu’avec les entraîneurs des clubs qui ont en charge les joueurs dans le pays et à l’étranger. Les joueurs apportent aussi leur expérience, que ce soit les jeunes internationaux ou les cadres plus expérimentés.
La difficulté est ensuite de maintenir le niveau physique, mental et tactique pour pouvoir jouer un rôle sur la scène internationale.
Quels sont vos objectifs pour la suite de cette compétition ?
Il faut que nous gagnions le match contre la Bosnie aujourd’hui car il sera difficile de battre les Norvégiens. Je m’attends également à une réaction de l’Equipe de France.
Si nous passons ce tour, le ciel sera notre limite (rires) !
Lynda Claude